La culture traditionnelle de Martinique est en deuil, un maître du Bèlè s’en est allé. Pierre Grivalliers, (surnommé Ti-Raoul), est décédé ce lundi 18 décembre, à l’âge de 83 ans.
Ti-Raoul fait partie de cette génération d’hommes et de femmes de Martinique qui ont reçu en héritage le Bèlè, cette culture des mornes, qu’ils ont jalousement préservée jusqu’à ce que nous soyons prêts à nous en imprégner, à l’adopter, à la revendiquer pour finalement l’habiter.
Avec d’autres piliers de cette tradition Bèlè, Ti-Raoul nous a généreusement transmis cette matrice culturelle, qui sert aujourd’hui de socle à une identité fêlée par plus de 2 siècles d’esclavage.
Ti-Raoul s’en est allé, il sait que cet héritage perdurera, car les Martiniquais le portent déjà en étendard même en dehors de leur pays.
Souvenons-nous que les premiers transmetteurs de mémoires, sont ces hommes et ces femmes issus de nos cultures traditionnelles directement héritées du système des plantations esclavagistes. C’est en 1848, après l’abolition de l’esclavage, que de anciens esclaves refusent de rester sur les habitations. Ils rejoignent les bois, les mornes un peu partout en Martinique et là ils s’organisent, créant une vie commune, digne des hommes qu’ils n’avaient jamais cessé d’être. Ils inventent avant l’heure, le vivre ensemble, le Bèlè, une manière de vivre pleine de valeurs de socialisation. Respect, Amour, Entraide, Honneur et résistance, sont quelques-unes de ces valeurs que véhicule le Bèlè, cette culture qui fait le trait d’union entre les descendants d’esclaves Martiniquais.
Le Bèlè est sans nul doute, le premier acte mémoriel qui affilie les Martiniquais à leurs ancêtres esclaves.
Ti-Raoul a habité nos cœurs pendant de longues décennies. Désormais il habite nos mémoires pour l’éternité.
Justin SORMAIN
Administrateur du CM98 – Président de l’association Bélèspwa