Pourquoi les deux commémorations du 10 et 23 mai ?

10 mai : journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions

Instituée par le décret n° 2006-388 du 31 mars 2006, faisant suite à la loi Taubira, la commémoration du 10 mai est principalement consacrée à la mémoire de l’abolition de l’esclavage. Date uniquement métropolitaine lors de sa promulgation, elle devient date nationale le 28 février 2017, en même temps que celle du 23 mai, et permet d’honorer les abolitionnistes français (des habitants du petit village de Champagney à Victor Schœlcher, de l’abbé Grégoire à Lamartine), la République abolitionniste ainsi que tous les combattants anti-esclavagistes : de Toussaint Louverture à Cyrille Bissette, de Delgrès à l’esclave Romain.

En ce 10 mai, jour de célébration des combats pour la liberté, honorons aussi la mémoire du grand abolitionniste que fut Lamartine, dirigeant de la révolution républicaine de février 1848 et membre du gouvernement provisoire de la deuxième République. Sa déclaration mérite d’être mise en exergue : Deux mois après la Révolution de février, je signais le 27 avril 1848 le décret de la liberté des Noirs,de l’abolition de l’esclavage. Ma vie  n’eût-elle que cette heure, je ne regretterais pas d’avoir vécu “ Alphonse de Lamartine – Histoire de la Révolution de 1848.

23 mai, journée d’hommage national aux victimes de l’esclavage colonial

La commémoration du 23 mai est consacrée à la mémoire des victimes du crime contre l’Humanité que fut l’esclavage colonial. Elle rappelle la marche historique des 40.000 du 23 mai 1998. Célébrée par les associations des originaires d’Outre-Mer dès le 23 mai 1998, elle en est à sa 21ème édition. Grâce au combat mené pendant 20 ans par le Comité Marche du 23 mai 1998 (CM98) et qui amena son Président à une grève de la faim du 13 au 18 janvier 2017, elle est devenue commémoration nationale le 28 février 2017 (article 75 de la loi n°2017-256). Elle symbolise le travail de mémoire mené par les français descendants d’esclaves pour réhabiliter la mémoire de leurs aïeux et sortir de la honte liée à l’origine servile. Désormais, tous les 23 mai, la République honorera la mémoire des centaines de milliers de femmes et d’hommes qui ont souffert de la traite négrière et de l’esclavage. Au fil des années, ce 23 mai est devenu un temps fort de rassemblement pour les Antillais, Guyanais et Réunionnais en France hexagonale.

Quelques dates dans l’évolution de la politique mémorielle de la République française concernant l’esclavage colonial :

  • 30 juin 1983 : loi n° 83-550 relative à la commémoration de l’abolition de l’esclavage. Les dates de commémoration de l’abolition de l’esclavage dans les départements d’Outre-Mer sont instituées, tout en respectant la spécificité de dates de chacun de ses départements. Il n’y a alors aucune date pour l’hexagone.
  • 23 mai 1998 : Marche historique de 40 000 personnes (des Antillais en majorité) à l’occasion du cent-cinquantenaire de l’abolition de l’esclavage du 27 avril 1848. Première mondiale mais aussi première célébration en l’honneur des victimes de l’esclavage car, à l’inverse du thème central prôné par le gouvernement français, à savoir la commémoration de l’abolition et la mise en avant des abolitionnistes et des combattants attachés à cette cause, les marcheurs du 23 mai célébrèrent la mémoire des victimes de l’esclavage.
  • 23 mai 2001 : promulgation de la loi reconnaissant l’esclavage crime contre l’Humanité, dite loi Taubira et prévoyant dans son article 4 : « qu’en France métropolitaine, la date de la commémoration annuelle de l’abolition de l’esclavage est fixée par le Gouvernement après la consultation la plus large ».
  • 31 mars 2006 : décret d’application de la loi Taubira. Modification de la loi commémorative du 30 juin 1983 : la journée commémorative de l’abolition de l’esclavage en France métropolitaine est alors fixée au 10 mai.
  • 29 avril 2008 : La circulaire Fillon relative aux commémorations de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions fait du 10 mai une date nationale, en contradiction avec la loi Taubira qui a institué une date uniquement hexagonale. Cette circulaire introduit le 23 mai comme date « pour les associations regroupant les Français d’Outre-Mer de l’Hexagone, pour commémorer le passé douloureux et tombé dans l’oubli de leurs aïeux ».
  • 23 mai 2015 : 30 000 personnes se retrouvent, place de la République à Paris, pour célébrer la mémoire des victimes de l’esclavage.
  • 30 septembre 2016 : dépôt par François Pupponi, député, de l’amendement n° 132 dans la loi Égalité réelle outre-mer, demandant la modification de la loi du 30 juin 1983 et introduisant les 10 mai et 23 mai comme dates nationales. L’amendement devient l’article 20 de la loi Égalité réelle.
  • 13 janvier 2017 : grève de la faim du président du CM98, Serge Romana, suite au refus du Sénat d’examiner l’article 20 de la loi Égalité réelle.
  • 18 janvier 2017 : le Sénat vote l’article 20 de la loi Égalité réelle
  • 28 février 2017 : Le parlement adopte la loi égalité réelle. La loi du 30 juin 1983 est alors modifiée : elle est désormais « relative à la commémoration de l’abolition de l’esclavage et en hommage aux victimes                    de l’esclavage ».  « La République institue la journée du 10 mai comme journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, et celle du 23 mai comme journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage ».
2019-05-11T14:40:35+00:00