La France suivra t-elle leur exemple ?
Après la chambre des représentants en juillet 2008, c’est le Sénat des Etats-Unis qui, jeudi 18 juin 2009, a présenté officiellement aux descendants d’esclaves des Etats-Unis ses excuses pour « l’injustice fondamentale, la cruauté, la brutalité et l’inhumanité de l’esclavage ».
Ce positionnement est très différent de celui de la République française qui rejette tout acte de repentance. Elle a choisi de faire voter une loi, la loi dite Taubira, qui reconnaît l’esclavage colonial en tant que crime contre l’humanité sans désigner de coupables et sans reconnaître aux esclaves guadeloupéens, martiniquais, guyanais et réunionnais le statut de victimes.
De ce fait, il n’y a pas, à la différence des USA, de réparation symbolique.
En réalité, lorsqu’elle évoque l’esclavage, la République ne s’adresse pas aux descendants des victimes de l’esclavage. Tel Narcisse, elle entretient le mythe d’un pays à l’avant-garde des droits de l’homme se glorifiant d’avoir aboli l’esclavage colonial et montrant l’exemple au monde en le reconnaissant aujourd’hui, crime contre l’Humanité.
Cette posture a deux conséquences politiques majeures pour les populations des ex-colonies françaises.
- La première est que le ressentiment et la défiance de ces populations envers la République ne sont pas prêts de s’atténuer. On l’a vu avec les événements sociaux qui ont secoué les Antilles françaises au début de l’année. Comment alors espérer sérieusement que les Etats généraux de l’outre-mer, décidés sans discussion préalable avec les responsables de ces mouvements, puissent apporter des solutions durables aux immenses défis auxquels sont confrontés les peuples de la France d’outre-mer ?
- Le deuxième est qu’en refusant d’assumer, urbi et orbi, la responsabilité de la Nation dans la construction de ces peuples fondée sur « l’injustice fondamentale, la cruauté, la brutalité et l’inhumanité de l’esclavage », elle peut difficilement les aider à s’extraire des dysfonctionnements hérités de cette période, qu’il s’agisse des troubles identitaires et de l’estime de soi ou des dysfonctionnements sociétaux.
Cette situation, qui dure depuis 1848, finira par rendre impossible tout rapport de confiance entre la République et les peuples des DOM et risque de conduire à des solutions radicales qui seront catastrophiques pour l’avenir de ces pays.
À l’inverse, on peut espérer aux USA que des mesures spécifiques concernant les difficultés des descendants d’esclaves soient prises dans les années qui viennent. Les Américains ne sont plus au stade des regrets, mais à celui du repentir officiel, ce qui est de bon augure pour l’avenir.
Communiqué publié le 24 juin 2009 dans le journal Métro.