En février 2019, nous sommes réunis autour de Benoît Martin. Tout en présentant brièvement son livre « Matricule 3501 », encore chaud sorti des éditions Orphie, Benoît va captiver la salle en racontant les grands moments de sa vie.
Il présente bien dans son costume très bien ajusté, élégant, sûr de lui. Il déploie un discours simple et riche en couleurs et images. Il veut nous faire entendre qu’il a compris tardivement, c’est-à-dire après 60 ans, qu’il lui fallait aller chercher ses racines loin, très loin…
Le déclic s’est opéré lors d’une marche silencieuse organisée dans Paris par les Antillais de la métropole, le 23 mai 1998, pour se réconcilier avec leurs ancêtres esclaves et les honorer. Benoît, sollicité de part son métier de commissaire divisionnaire pour veiller au maintien de l’ordre dans les rues de Paris, prend soudain conscience de la réalité : Qui suis-je ? Quelles sont mes vraies racines ?
Pourquoi ces questions ? Benoît est « noir ». Enfin !… Orphelin de père et de mère dès sa petite enfance, il a grandi en métropole dans une famille d’accueil, des « blancs », lui- même ne se voyant pas du tout « noir ». Et voici que l’interrogation s’impose…
Ce dimanche en question l’assemblée, gourmande, boit les paroles de Benoît, impatiente de connaître l’épilogue du long chemin qu’il a parcouru pour se découvrir. Puis arrive le moment des questions. La salle se bouscule pour interroger. Benoît, facétieux, renvoie ses interrogateurs avides d’histoire à la conclusion : « c’est dans mon livre ! ».
Nous nous plongeons donc dans ce livre soigneusement dédicacé par l’auteur. D’entrée l’auteur affiche un grand scepticisme, alors qu’il fait ses premières recherches. Puis, il décide enfin d’aller sur les lieux, la Martinique, où existent encore des membres de sa famille. Il se perd ensuite dans le labyrinthe de la généalogie, retrouvant, puis perdant de vue les ancêtres. Tentant de remonter le plus loin possible dans l’histoire, se heurtant au silence de la famille présente… Le mot « esclave » résonne maintenant dans son esprit. Le « noir » et le « blanc » se conjuguent sur l’arbre généalogique familial.
Dans son art de relater, l’auteur alterne entre ses souvenirs d’enfance, cajolé par cette famille d’accueil « blanche », et les bribes de son passé « noir », très lointain, retrouvé au fur et à mesure des recherches.
Son scepticisme de départ se dilue progressivement dans un sentiment paradoxal, la conscience de la souffrance de ses ancêtres esclaves, et la joie euphorique de découvrir « les siens ».
Marie-Paule Toupart
21 mai 2019