Une centaine de personnes ont écouté avec une très grande attention la conférence de Patrice Courtaud sur le cimetière d’esclaves de l’anse Sainte-Marguerite au Moule en Guadeloupe. Il s’agit d’un cimetière qui fut actif du 18e siècle et au 19e siècle, peut-être même encore quelques années après l’abolition de l’esclavage, comme semble l’attester la présence d’une médaille datée de 1852. Les travaux de l’équipe d’archéologues dirigée par Patrice Courtaud y a effectué cinq campagnes de fouilles de six semaines entre 1997 et 2002 pendant lesquelles les vestiges de 272 individus furent récoltés.
Les conclusions principales de ces études sont les suivantes :
Le cimetière de l’anse Sainte-Marguerite est à ce jour le deuxième plus grand cimetière d’esclaves fouilléde toutes les Amériques, après celui de New York. C’est actuellement le seul disponible pour des études, celui de Manahattan ayant été ré-inhumé.
Les archéologues supposent que ce grand nombre de sépultures indique que ce cimetière regroupait des esclaves de plusieurs habitations de la commune du Moule et peut-être aussi de Petit-Canal tout proche
La disposition des corps et les objets qui y ont été trouvés montre que le rite funéraire, surtout dans la partie du 19e siècle, est chrétien.
L’étude biologique des squelettes a montré une fréquence de l’ordre de 7% de différentes formes de tuberculose osseuse, ce qui signifie que quasimment toute la population était concernée par ces atteintes infectieuses, dont la forme la plus fréquente est pulmonaire. Si les traumatismes osseux ne sont pas particulièrement nombreux, en revanche les arthroses touchant des individus jeunes témoignent qu’ils étaient soumis à des stress mécaniques importants. Globalement, les indices osseux pathologiques vont dans le sens d’une population soumise à une promiscuité importante, un mauvais état sanitaire et de rudes conditions de travail..
Des études génétiques sont en cours. Elles permettront d’avoir des éléments sur les origines africaines des personnes enterrées dans ce cimetière.
Au jour d’aujourd’hui, il n’y a pas de politique publique pour la préservation de cimetière et pour sa transformation en lieu de mémoire respecté par la population guadeloupéenne. Seule une association, Lanmou ba Yo, s’occupe de préserver le site et sa mémoire. Elle organise tous les 27 mai, une marche et en cérémonie en l’honneur des victimes de l’esclavage colonial.