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L’actualité vient de mettre brutalement en relation le néo-djihadisme et l’esclavage à travers l’enlèvement par Boko Haram en 2014 des deux cent jeunes filles scolarisées à Chibok au Nigeria (Bornou). Cet événement fait écho à deux siècles de jihâd – XVIIIe-XIXe siècles – à l’origine d’une véritable chaîne d’États musulmans en Afrique de l’Ouest. Dans un premier temps, les imamats de la fin du XVIIe et du XVIIIe siècles en Mauritanie, Sénégambie et Guinée furent de véritables révolutions musulmanes, émancipatrices des subalternes (esclaves, castés…) concomitantes des révolutions atlantiques de la fin du XVIIIe siècle. Dans une seconde phase émergèrent plus à l’est au XIXe siècle des formations politiques de grande ampleur, l’immense califat de Sokoto (Nigeria) regroupant plus de trente émirats et l’empire al-Hâjj Umar Tal (Mali-Guinée). Or les effectifs d’esclaves rassemblés par le califat de Sokoto étaient comparables à ceux de l’Amérique du Nord et du Brésil au milieu du XIXae siècle (Lovejoy 2002).

On se demandera par quel terrible retournement ces jihâd de type expansionniste se muèrent en entreprise de capture et d’asservissements des « païens ». En réalité le succès de ces entreprises résulte de l’émancipation tronquée au sein des nouveaux États musulmans d’élites serviles, de «mamelouk» à la fois esclaves publics et guerriers libérés en capturant d’autres esclaves. Cette hypothèse permet de rendre compte à la fois de la rapidité de la conquête coloniale et du silence assourdissant qui entoure ces deux siècles de jihâd, alors que les violences du Nord Mali (AQMI) comme ceux du Bornou au Nigéria (Boko Haram) se situent à la périphérie de ces anciens États musulmans.