Introduction du cours
« Les Antillais descendants d’esclaves sont des métis, d’un point de vue génétique. Si l’intérêt pour la partie africaine, longtemps rejetée, est aujourd’hui l’objet d’un engouement qui ne cesse d’augmenter, il nous a semblé important de nous pencher sur “la partie” européenne des Antillais, sur ces Français qui ont conquis ces deux îles et qui ont été des acteurs de ce métissage. De quelle région de France venaient-ils, quels éléments de leurs cultures ont-ils amenés, quelle était leur vie en Guadeloupe et en Martinique ?
Résumé du cours
Les origines géographiques des maîtres sont d’abord normandes. En effet, les navires de la Compagnie des Iles d’Amérique partent de Normandie (Dieppe ou Le Havre). Peu à peu, les maîtres proviennent de ports de toute la façade Atlantique, notamment de La Rochelle et de Bretagne, ainsi que des grandes villes reliées par des fleuves à cette façade (Paris, Angers, Toulouse). L’histoire de ces origines est liée à l’histoire du monopole accordé aux ports de commercer avec les Antilles, progressivement, de Dieppe vers le sud jusqu’à Bordeaux puis Marseille en dernier. Les colons qui passent librement n’apparaissent pas toujours dans la documentation ou bien ils sont confondus avec les engagés par les capitaines de navire. L’émigration libre est donc difficile à saisir.
Il faut distinguer deux catégories de maîtres. Ceux qui le sont, dès leur arrivée en Guadeloupe qui souvent partent accompagnés d’engagés et achètent rapidement des esclaves et ceux qui le deviennent après avoir été eux-mêmes des engagés. La première catégorie est formée de petits nobles et de marchands. Ces derniers sont souvent intégrés dans le monde du négoce maritime, armateurs, négociants ou capitaines de navire. La seconde est plutôt formée de petits artisans. S’installer aux Antilles constitue un outil de promotion économique pour certains petits nobles. Dans le monde du négoce, l’installation aux îles entre dans le cadre d’une intégration verticale des activités économiques d’une maison de commerce qui envoie un ou plusieurs membres de la famille, contrôler le bon fonctionnement des affaires dans leur versant antillais. Il s’agit parfois de réaliser une opération économique groupant à la fois production des denrées coloniales et leur commercialisation, afin de maîtriser verticalement l’ensemble du processus. La deuxième catégorie, la plus nombreuse est formée d’anciens engagés. Toutefois, les propriétaires des plus grandes plantations semblent appartenir à la première catégorie. Souvent, les départs se font en famille. Nous avons trouvé de nombreux cas de frères partant ensemble. Les îles attirent des éléments dynamiques des sociétés portuaires. Le service du roi ou l’appât du gain poussent les hommes à partir pour les Antilles.
Les origines sociales sont plus diversifiées au début de la colonisation. Les possibilités d’ascension sociale diminuent au cours du temps. Si au XVIIe siècle, des engagés peuvent devenir maîtres, ce n’est plus le cas aux XVIIIe et XIXe siècles, où les nouveaux venus appartiennent à des catégories sociales favorisées. La disparition progressive de l’engagisme n’en est pas la seule raison. Il n’y a plus de terres à concéder et seuls ceux qui peuvent se marier avec des femmes appartenant à des familles de planteurs peuvent devenir propriétaires d’esclaves. Quelques hommes d’origine modeste parviennent à accéder à cette position sociale en épousant des femmes de couleur, issues de familles de planteurs.
Ce cours est proposé par:
Frédéric Régent
Qui est Frédéric Régent ?
Président du Comité national pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage
Maître de conférences en Histoire Moderne
Habilité à diriger des recherches
Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne
Institut d’Histoire Moderne et Contemporaine (IHMC, UMR 8066, CNRS,
Ecole Normale Supérieure, Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne)
Institut d’Histoire de la Révolution Française (IHRF, institut créé par Jean Zay en 1937)
Supports du cours