LE CHEMIN DE FER DE NOS AÏEUX ESCLAVES : VWÈ MIZÈ, PA MÔ ! | Station 6

Station 6 : Quelques considérations sur la danse vue par le Père Labat

La danse est leur passion favorite. Je ne crois pas qu’il y ait peuple au monde qui y soit plus attaché qu’eux. Quand les Maîtres ne leur permettent pas de danser dans l’Habitation, ils feront trois ou quatre lieuës après qu’ils ont quitté le travail de la Sucrerie le samedi à minuit, pour se trouver dans quelques lieux où ils savent qu’il y a une danse.

Celle qui leur plaît davantage, et qui leur est plus ordinaire est le Calenda, elle vient de la côte de Guinée et suivant toutes les apparences du Royaume d’Arda (Porto Novo ndlr). Les Espagnols l’ont apprise des Nègres et la dansent dans toute l’Amérique de la même manière que les Nègres… Pour donner la cadence à cette danse, ils se servent de deux tambours faits de deux troncs d’arbres creusés d’inégale grosseur. Un des bouts est ouvert, l’autre est couvert d’une peau de brebis ou de chèvre sans poil, grattée comme du parchemin. Le plus grand de ces deux tambours qu’ils appellent simplement Grand Tambour peut avoir trois à quatre pieds de long sur quinze à seize pouces de diamètre. Le petit qu’on nomme le BABOULA, a à peu près la même longueur, sur huit à neuf pouces de diamètre. Ceux qui battent les tambours pour régler la cadence les mettent entre leurs jambes, ou s’asseyent dessus, et les touchent avec le plat des quatre doigts de chaque main. Celui qui touche le grand tambour bat avec mesure et posément; mais celui qui touche le baboula, bat le plus vite qu’il peut et sans presque garder de mesure, et comme le son qu’il rend est beaucoup plus moindre que celui du grand tambour, et fort aigu, il ne sert qu’à faire du bruit, sans marquer la cadence de la danse ni les mouvements des danseurs.

Père Labat. Nouveau voyage aux Isles Françaises de l’Amérique (1696). Tome deuxième. page 401 -402. 1972. Édition des Horizons Caraïbes, Fort-de-France Martinique

Le Père LabatAvertissement : les scènes de vie qui vont vous sont rapportées cette semaine sont celles écrites par un missionnaire, le père Jean-Baptiste Labat (1663-1738). Ce curé de l’ordre des Dominicains débarque en Martinique, le 29 janvier 1694, et séjourne à la paroisse de Macouba, où il travaille pendant deux ans à la développer. Il y construit de nombreux édifices. En 1696, il séjourne en Guadeloupe et en Dominique puis est nommé procureur syndic des îles d’Amérique à son retour en Martinique. Il est l’un des tout premiers chroniqueurs de la vie de la Martinique et de la Guadeloupe de la fin du 17e et au début du 18e siècle. Ses descriptions sont précises et donnent des indications sur la vie de nos parents en ce temps-là. Il faut garder à l’esprit qu’il est un ecclésiastique esclavagiste avec tous les préjugés que cela implique.

Il rassemble ces notes dans le célèbre « Voyage aux isles Françoises de l’Amérique ».

2017-02-03T00:09:08+00:00