Des noms contre l’oubli par Serge Romana

Les esclaves des colonies françaises d’outre-mer n’avaient pas d’état civil. Après l’abolition, on procéda à la nomination de 200000 nouveaux affranchis. Serge Romana, président de la Fondation Esclavage et réconciliation, se bat pour honorer leur mémoire.
Depuis 2013, des monuments sur les quels sont gravés prénoms, matri cules et noms d’anciens esclaves des Antilles françaises ont fait leur apparition en France hexagonale (Saint-Denis, Sarcelles, Creil, Grigny) et dans les outre-mer (Les Abymes [photo ci-contre du Morne de la mémoire], Le Carbet, Cayenne). Ils sont devenus des lieux de mémoire autour desquels leurs descendants et les autorités politiques et ecclésiastiques leur rendent hommage.
Dans les anciennes colonies françaises, les esclaves n’avaient pour identité qu’un prénom. Ce n’est qu’après l’abolition de l’esclavage du 27 avril 1848 que les officiers d’état civil leur attribuèrent des noms de famille (qui sont en fait bien souvent DES NOMS des matronymes et non des patronymes).
Cette nomination de masse, qui se déroula d’août 1848 à la fin de 1867, fut consignée dans les registres des nouveaux libres ou registres d’individualité. Ces noms sont ceux de la majorité des Antillais d’aujourd’hui.
Afin d’honorer la mémoire des victimes de l’esclavage, le Comité marche du 23 mai 1998 (CM98), principal entrepreneur de mémoire des Antilles, les mit en lumière en inscrivant, à partir des registres, leurs prénoms, matricules et noms sur des livres, un mémorial itinérant, des monuments et un site Internet (anchoukaj.org). La profonde émotion qui accompagne, chaque 23 mai, les cérémonies d’hommage aux esclaves et les longues files d’attente d’Antillais venus retrouver leurs aïeux à cette occasion montrent à quel point ces monuments comblent une béance identitaire et aident à surmonter la honte d’une origine servile.
C’est pour amplifier ce travail que le président de la République a accepté d’ériger, à la demande du CM98, un Mémorial national des victimes de l’esclavage dans le jardin des Tuileries. Il mettra en valeur les noms et prénoms de plus de 200000 nouveaux libres : 87500 Guadeloupéens, 13500 Guyanais, 74000 Martiniquais et 62500 Réunionnais. La date du 23 mai 2021, Journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage colonial, a été choisie pour poser la première pierre de ce qui représente le plus bel hommage que l’on peut rendre à ces êtres humains dont le destin était d’être oublié.
SERGE ROMANA / ANDIA.FR POUR LA VIE
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