23 mai 2019 – Discours de M. Gordien Emmanuel – Président du CM98

JOURNÉE NATIONALE EN HOMMAGE AUX VICTIMES DE L’ESCLAVAGE

PARVIS DE LA BASILIQUE – SAINT-DENIS :

DISCOURS DE M. GORDIEN EMMANUEL – PRÉSIDENT DU CM98

23 MAI 2019

Mme la ministre des outre-mer,

Mme la Sous-Préfète,

Le premier ministre, président du groupement d’intérêt public – mission pour la mémoire de l’esclavage, de la traite et de leurs abolitions ;

Le maire de Saint-Denis,

Mesdames et messieurs les élus en vos grades et qualité,

Le président du comité national pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage, le CNMHE, très cher Frédéric ;

Mesdames et messieurs les présidentes et présidents d’associations dont ceux de coordination des associations d’outre-mer ainsi que tous les membres, les bénévoles, et les sympathisants de vos associations,

Mesdames et messieurs les dirigeants, membres bienfaiteurs, militants, bénévoles et sympathisants du comité marche du 23 mai, le cm98 que j’ai l’honneur de représenter ici aujourd’hui, et que je tiens à saluer ici ce soir, du fond du cœur,

Mesdames et messieurs,

Que de chemin parcouru depuis cette marche « originelle « du 23 mai 1998.  Nous étions 40 000, à défiler silencieusement de la place de la République à celle de la Nation, avec une seule idée en tête : « penser à nos parents qui ont vécu le martyre de la traite négrière et de l’esclavage colonial. »

Depuis le 28 février 2017, par la loi, et grâce entre autres, à notre long combat citoyen de près de 20 ans, le 23 mai est désormais, « la date nationale en hommage aux victimes de l’esclavage ».

Et aujourd’hui, pour la première fois Madame la Ministre, vous qui représentez, ici Monsieur le premier ministre, par votre voix, la France rendra enfin ce 23 mai 2019, l’hommage national tant attendu, aux victimes de l’esclavage colonial.

« Parents », disions-nous en 1998, et que pourtant nous ne connaissions pas !

Aujourd’hui, nous en avons identifié 130 000 environ, en Guadeloupe et en Martinique.

Nous les avons retrouvés, grâce aux noms qui leur ont été octroyés à partir de 1848, après l’abolition de l’esclavage, eux qui n’avaient alors qu’un pré-nom et un numéro matricule.

Et aujourd’hui, grâce une expertise généalogique acquise, tout guadeloupéen, tout martiniquais et je l’espère bientôt, tout guyanais et tout réunionnais, peut et pourra s’affilier directement à ses aïeux qui ont vécu l’esclavage colonial.

Leur histoire nous est maintenant de plus en plus accessible, grâce à l’université populaire que nous avons créée en 2011 et développée, grâce entre autres, à une convention de partenariat avec l’université paris 1 – la Sorbonne.

Mais cette histoire nous est aussi de plus en plus accessible, grâce à l’acquisition, malgré nos faibles moyens, et au dépouillement de nombre d’éléments d’archives notamment les archives notariées.

Ainsi, Mme la ministre, Mesdames et Messieurs, en plus de la journée de commémoration que nous leur avons dédiée et organisée systématiquement tous les 23 mai depuis l’année 2000, soit depuis 19 ans, nous leur avons consacré des ouvrages, un site internet, anchoukaj.org, où nous les répertorions tous, et les mettons à la disposition de leurs descendants.

Nous avons aussi conçu des monuments en leur honneur, comme celui-ci, magnifique qui trône sur cette place de la Basilique, que nous avons inauguré le 23 mai 2013.

Nous y avons gravé les prénoms, matricules et noms de 213 d’entre eux, que nous avons choisis, 213 comme le nombre d’années de 1635 à 1848, que cet esclavage colonial a duré.

Ainsi aujourd’hui, en plus de la ville de Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis ; Sarcelles, dans le Val d’Oise ; Creil dans l’Oise et Grigny en Essonne, ont vu s’ériger leur monument en mémoire de nos aïeux.

Il convient d’ajouter à ceux-ci, celui de la ville des Abymes en Guadeloupe et celui du Carbet à la Martinique.

Et je ne peux m’empêcher ici, de citer le projet que nous avons proposé au gouvernement du Bénin et qui l’a accepté, de créer au Bénin, un mémorial avec les noms des esclaves de Guadeloupe et de Martinique qui dans les registres de nomination étaient déclarés « nés en Afrique ».

Mme la Ministre, Mesdames et Messieurs, je voudrais, pour terminer revenir sur un engagement écrit du président de la République le 27 avril 2018, et réaffirmé le 10 mai dernier : celui de la création d’un mémorial national en hommage aux victimes de l’esclavage au jardin des tuileries à paris.

Ce projet est celui que notre association, le CM98 a conçu, élaboré et proposé au gouvernement le 27 avril 2016.

Pour nous, ce mémorial doit être d’une œuvre d’art, sur laquelle seront gravés les prénoms, matricules et noms de tous les esclaves de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion.

Le Président de la République en a fixé l’échéance : le 23 mai 2021. Ceci nous réjouit au plus haut point et j’en suis sûr, réjouit aussi nos aïeux là où ils trouvent.

Ainsi, Mme la ministre, Mesdames et Messieurs, la mobilisation citoyenne de la communauté antillaise sur ces questions, et je m’en félicite, a contribué au fait que la France a aujourd’hui le régime mémoriel le plus avancé dans le monde sur la question de la traite et de l’esclavage colonial.

Et, maintenant que désormais, à compter de ce jour, l’Etat a pris en charge cette commémoration nationale du 23 mai, notre association, au sein de la coordination des associations d’Outre-mer, forte de toute l’expérience et l’expertise acquises, va s’atteler à cette lourde tâche qu’elle s’est donnée : celle de la création d’un « centre de mémoire et de généalogie des familles descendantes d’esclaves ».

Dans la charte de création de notre association, le 30 novembre 1999, il y a 20 ans, nous écrivions déjà qu’un tel « centre de mémoire », devait être un « lieu d’apprentissage, d’éducation et de recherches historique, sociologique, ethnologique anthropologique…, sur les sociétés issues de la traite, de la déportation et de l’esclavage des nègres. »

Cet ambitieux programme sera l’œuvre des générations actuelles et à venir et aura besoin de l’engagement et du soutien de tous, militants, bénévoles, universitaires, chercheurs, mécènes, fondations, et aussi bien sûr singulièrement de l’engagement l’Etat à nos côtés.

Je vous remercie de votre attention.

Discours Emmanuel GORDIEN – 23 MAI 2019

Journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage colonial